En l'absence d'une mention de confirmation, l’identification « pierre grise de Montréal [calcaire] » est présumée d’après l’apparence et l’époque d’utilisation.
Histoire du bâtiment
La façade, l’étage supérieur et le comble de cette maison-magasin sont construites en 1829. Au printemps (de cette année-là), le marchand John McKenzie, un des associés de l’entreprise Hector Russel & Company (dry goods), achète l'emplacement où il y avait déjà une maison en pierre de deux étages et un autre bâtiment. Il achète aussi le lot contigu rue Saint-François-Xavier qui comprend des maisons et entrepôts. L’ensemble forme un L dont la plus grande partie donne sur la rue Saint-François-Xavier. McKenzie fait aussitôt construire un nouvel entrepôt dans la partie arrière du site. Trois mois plus tard, il engage de nouveau le maître maçon Louis Comte pour effectuer des transformations majeures à la maison de la rue Saint-Paul: la façade est démolie et refaite en pierre de taille bouchardée, et un étage est ajouté. Il est possible cependant, voire probable, que la devanture en pierre du rez-de-chaussée, qui encadre les vitrines, soit plus tardive. La compagnie de McKenzie et Russell dispose vers 1830 de comptoirs de vente au détail reliés à leurs entrepôts dans la cour arrière. Rue Saint-Paul, le comptoir de vente des produits bruts (coarse products) paraît distinct de celui des dry goods (tissus, mercerie, etc.) proposés aux dames, chacun ayant son entrée ; il y aurait donc déjà deux façades commerciales à cette époque. D’autres recherches sur des bâtiments semblables révèlent que ce type de bâtiment permet d’y aménager commerce et habitation. À titre d’exemple, la maison-magasin voisine, construite sept ans plus tôt, répondra à ces deux fonctions jusqu’aux années 1850. Dans ce cas-ci, il s'avère impossible de déterminer ce qu’il en est à l’origine. Il se peut qu’une partie seulement de la partie supérieure soit habitée, peut-être par un des associés ou par un employé. Il est également possible que l’usage initial du bâtiment modifié en 1829 soit entièrement commercial. On ignore par ailleurs quand a été construite l’adjonction en pierre à l’arrière, anciennement reliée à un grand entrepôt – cette adjonction pourrait être contemporaine des travaux déjà mentionnés.
Vendue par le shérif en 1840 probablement à la suite de la dissolution de la société de Russel et McKenzie, la propriété passe entre les mains de la famille Vinet, anciennement propriétaire. En 1842, le premier annuaire MacKay révèle que l’entreprise Radenhurst, Turnbull & Co. (dry goods and general merchants – tissus et produits divers) tient commerce rue Saint-Paul, alors que Charles B. Radenhurst réside dans une maison de la propriété, rue Saint-François-Xavier. Après une faillite, Radenhurst reste en affaires, rue Saint-François-Xavier, mais une nouvelle entreprise commerciale spécialisée dans la vente du cuir s’établit en 1844 rue Saint-Paul, suivie d’une autre entreprise au début des années 1850 (crockery ; soit poterie, vaisselle, etc.). À compter de 1847, les rôles d’évaluation confirment que l’usage du bâtiment est uniquement commercial. De plus, il semble n’y avoir alors aucun lien fonctionnel avec les autres bâtiments. Ce n’est qu’en 1853 que des marchands de quincaillerie en gros rétabliront ce lien fonctionnel
En 1860, Jacques Janvier Vinet, prêtre, fait don de la propriété à l'évêché de Montréal, qui la conservera pendant près d'un siècle. Alors que la quincaillerie Mulholland & Baker loue tout le bâtiment au cours des années 1860, des annuaires leur attribuent deux numéros civiques successifs. Ce fait suggère que la devanture commerciale comprend deux portes, même s’il n’y a qu’un occupant, comme cela semble avoir été le cas dès 1829. À compter de 1875, deux entreprises se partagent l’immeuble de la rue Saint-Paul. À la fin du XIXe siècle, le bâtiment abrite les bureaux et salles d’exposition de Fairbanks & Company, fabricants de balances commerciales. Des imprimeurs prennent la relève au début du XXe siècle, notamment Pierre Arbour et ses associés. Le commerce des fourrures marque l'histoire du bâtiment dans les années 1940. Une imprimerie occupe à nouveau l'ancienne maison-magasin à partir des années 1950 alors que Sam Jason, imprimeur, l'achète. Vers 1965, des modifications sont faites à la partie arrière de la toiture et à l’adjonction.
À compter de 1989, l'immeuble, entièrement restauré, abrite une auberge.
Ce bâtiment, situé rue Saint-Paul au coeur du Montréal commercial de son époque, fait dès l’origine partie d’un ensemble immobilier implanté sur un site en forme de L donnant sur les rues Saint-Paul et Saint-François-Xavier et comprenant à l’origine de grands entrepôts à l’arrière. Son architecture présente plusieurs caractéristiques des maisons-magasins. Le bâtiment en pierre, implanté en bordure de la rue, comprend trois étages incluant le rez-de-chaussée, un étage de comble sous le toit à deux versants et des murs mitoyens coupe-feu qui se prolongent au-dessus du toit en intégrant les cheminées. Toutefois, on constate une quasi-absence de cour réservée à ce bâtiment à l’arrière, si ce n’est un passage la reliant à la rue Saint-François-Xavier.
La façade offre par ailleurs un des meilleurs exemples de composition typique de maison-magasin du Vieux-Montréal, voire le plus ancien du quartier qui soit aussi complet, ainsi qu’un parfait esprit néoclassique : symétrie et réduction progressive de la hauteur des étages, pilastres et entablements qui mettent les vitrines en valeur, grand appareil régulier de pierre grise de Montréal.
La lecture fonctionnelle du bâtiment doit par ailleurs être croisée avec l’histoire atypique de son occupation. Ainsi, au rez-de-chaussée, les deux entrées commerciales rappellent encore les deux types distincts d’activités commerciales du propriétaire-constructeur. Toutefois, l’aspect de maison habitée aux étages supérieurs pourrait n’être qu’apparence. La présence d’une travée de fenêtres à l’arrière (à gauche, par rapport au bâtiment vu de la rue) et l’existence d’une grande roue de treuil à l’étage de comble (à droite) suggèrent la possibilité que la partie gauche des étages supérieurs ait eu une fonction résidentielle à l’origine, mais pas la partie droite.
John McKenzie (marchand (dry goods)) (propriétaire du 1829-04-02 au 1840-07-13) McKenzie est l’un des deux associés de la firme Hector Russel and Company. La date indiquée pour la fin de propriété par McKenzie correspond à la vente de l'immeuble par le shérif.
Commentaire sur la construction
Le bâtiment intègre des éléments structuraux d’une maison en pierre de deux étages probablement construite après l’incendie survenu dans ce secteur en 1765. Il est possible qu’une partie du mur arrière (comprenant une travée de fenêtres) date de cette époque, ce qui n’a pu être confirmé.
Fonction(s) d'origine et type particulier
Fonction(s) générale(s) :
commerce
habitation
Type particulier de bâtiment :
maison-magasin
Commentaire
Les étages supérieurs de ce type de bâtiment servent généralement à l’habitation dans les années 1830 et 1840, mais les premières sources faisant clairement état de l'usage du bâtiment, près de 20 ans après les travaux, n'en font pas mention. La fonction résidentielle d’origine n’est donc qu’une hypothèse.
Autres travaux – Modifications
Travaux 1 :
Date des travaux : vers 1965 Modification à la volumétrie horizontale du bâtiment. Modification à la volumétrie verticale du bâtiment. Ajout d'un ou de plusieurs étages au bâtiment. Disparition d'une toiture en pente ou mansardée.
Le versant arrière de la toiture de la maison-magasin est remplacé par un toit plat, un étage étant ainsi ajouté à cette partie. Un autre petit agrandissement est réalisé à l'arrière.
Travaux 2 :
Date des travaux : 1989 Restauration ou recyclage du bâtiment.
Le bâtiment est entièrement restauré et converti en auberge. De nouveaux ajouts sont faits à l'arrière.
Autres propriétaires ou locataires (sélectif)
Propriétaires :
Corporation de l'Évêque Catholique Romain de Montréal (propriétaire du 1860-04-24 au 1948-12-15) Reçue en donation de Jacques Janvier Vinet, prêtre. Le 7 mars 1913, la corporation de l’Évêque Catholique et Romain de Montréal vend l’immeuble à Samuel B. Townsend, marchand, qui le lui rétrocède le 23 mars 1917.
Sam Jason (imprimeur) (propriétaire du 1952-04-16 au 1987-12-07) L’entreprise de Jason, Reliable Printing Company, occupe les lieux.
Locataires :
Radenhurst, Turnbull & Co. (dry goods et general merchants) (locataire de v. 1840 à 1844) Dans les premiers annuaires alphabétiques MacKay de 1842-1843 et 1843-1844, cette compagnie occupe le bâtiment de la rue Saint-Paul, tandis que Charles B. Radenhurst habite dans l’autre partie de la même propriété, rue Saint-François-Xavier (Turnbull est à Londres). C’est la plus ancienne mention d’occupation dans les sources d’époque. On peut supposer qu’il a succédé à la compagnie de John McKenzie et Hector Russell après que celle-ci ait perdu la propriété en 1840. À leur sujet : Revue de Législation et de Jurisprudence (...), 1845-1846, p. 173.
Mulholland & Baker (marchands de quincaillerie) (locataire de 1859 à 1873) Informations disponibles pour l'année 1873 Henry Mulholland, l’un des partenaires de Mulholland and Baker, a été l’associé de Benjamin Brewster dans la société Brewster and Mulholland. De 1849 à 1852, cette dernière avait occupé des locaux du côté de la rue Saint-François-Xavier, puis elle avait également loué le bâtiment de la rue Saint-Paul, de 1853 à 1859. La compagnie Mulholland & Baker fait l’inverse en 1873 alors qu’elle se retire rue Saint-François-Xavier où elle reste jusqu’en 1877. Henry Mulholland est donc présent rue Saint-Paul de 1852 à 1873, d’abord avec Brewster puis avec Baker.
Fairbanks & Company (balances commerciales) (locataire de 1887 à 1897) L’immeuble abrite ses bureaux et salles d’exposition (warerooms) alors que la compagnie fabrique ses balances ailleurs.
Pierre-Alexis Arbour (imprimeur) (locataire de 1898 à 1912) Pierre-Alexis Arbour a d’abord eu comme associé Omer C. Laperle puis Charles Dupont.
Protections patrimoniales du bâtiment
Le bâtiment est protégé en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, en vigueur depuis le 19 octobre 2012, par le statut suivant :
Situé dans le site patrimonial de Montréal (Vieux-Montréal) (déclaré). Anciennement un arrondissement historique (1964-01-08) (juridiction provinciale)
Le bâtiment est identifié aux documents d'évaluation du patrimoine urbain dans la catégorie suivante :
Situé dans un secteur de valeur patrimoniale exceptionnelle Vieux-Montréal (juridiction municipale)
Numéros de référence
Bâtiment
:
0040-41-4635-00
Propriété
:
0040-41-4635 Fiche 1 de 1 sur cette propriété
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