Une politique de croissance axée sur le marché de détail caractérise l’année 1915. La Banque d’Hochelaga, dont le siège social occupe les anciens bureaux de la Banque du peuple, au 53 de la rue Saint-Jacques, ouvre 29 nouvelles succursales et en ferme seulement trois. C’est de loin la stratégie la plus optimiste de l’industrie. Les 20 autres banques à charte canadiennes n’ouvrent au total que 140 succursales mais en ferment aussi 131.

Il faut toutefois préciser que pour la Banque d’Hochelaga, cette grande activité est le résultat d’une politique de rattrapage. Presque toutes les autres banques de taille moyenne au Canada possèdent déjà un réseau étendu de succursales : pour chaque dollar de capital-action investi dans ces banques, elles gèrent sept dollars de dépôts. Pour la Banque d’Hochelaga, ce rapport est plutôt de un à trois. Pour demeurer rentable avec un tel rapport, il faut vraiment faire fructifier l’argent.

Les conditions sont-elles cependant propices à une telle expansion? Au Canada, avec une baisse de 15% de l’activité bancaire depuis 1913, la réponse est définitivement non. Mais la Banque d’Hochelaga est davantage une banque régionale qu’une banque canadienne et, comme son nom l’indique, la région où elle œuvre est celle de Montréal. L’expansion de l’industrie et de l’activité portuaire liée à la guerre favorise Montréal et la situation économique de la classe ouvrière canadienne-française s’améliore pour la première fois depuis une dizaine d’années. Ainsi la contrainte sociale majeure, le manque à gagner des classes populaires canadiennes-françaises, qui a toujours tenu en étau l’expansion de la banque se desserre un peu. Du moins c’est le raisonnement qui soutient la stratégie de ces bourgeois canadiens-français.