En 1895, la Compagnie canadienne de téléphone Bell, sous la présidence de Charles Fleetford Sise, est une entreprise dynamique qui installe peu à peu son monopole de distribution de service de téléphone sur une bonne partie du territoire québécois, mais plus particulièrement dans la région de Montréal. Elle est tellement bien implantée et bénéficie d'un tel réseau que les municipalités, même si elles ne sont pas toujours en accord avec Bell, encouragent peu l'implantation d'un réseau alternatif à cause notamment de la multiplication des coûts que cela peut occasionner pour les usagers.
Créée en 1880, la Compagnie canadienne de téléphone Bell fut regroupée en 1885 avec d'autres compagnies régionales au sein de la American Telephone & Telegraph (AT&T). L'influence américaine qui se faisait sentir depuis le début, autant dans la gestion que dans les innovations technologiques, fut dès lors renforcée. Ces innovations permirent, par exemple, d'établir en 1890 un premier service interurbain entre Montréal et Québec, service qui sera par la suite développé vers d'autres centres tels Toronto (1896). Autre amélioration technique, en 1893, on inaugurait à Montréal le premier système d'alarme relié à un poste de police. Bell n'avait cependant pas les coudées complètement franches et afin de freiner d'éventuels abus, elle fut soumise à une première réglementation en 1892 alors que le Parlement fédéral adopta une loi l'obligeant à faire approuver toute augmentation de tarifs.
La compagnie quittera ses locaux en 1897 pour aménager dans un nouvel édifice conçu pour répondre à ses besoins à l'angle sud-est des rues Notre-Dame et Saint-Jean. En 1902, le service téléphonique sera désigné service public ce qui obligera Bell à raccorder quiconque en fera la demande sur le territoire desservi par l'entreprise. Sa situation de quasi monopole sera à la fois bénéfique et malsaine pour ses clients. Bénéfique parce que les abonnés auront accès à un plus vaste réseau ; malsaine parce que Bell profitera de sa situation pour imposer des tarifs élevés. La Première Guerre mondiale s'avérera une période difficile pour la compagnie : les nouveaux abonnés seront moins nombreux, la valeur de l'action baissera et 15% de ses jeunes employés seront appelés au front. Les lendemains de la guerre seront néanmoins plus reluisants et, entre 1920 et 1930, le nombre de téléphones dans la région métropolitaine augmentera de près de 10% alors qu'à la même époque, la population de Montréal grimpera de 4,4%. Durant ces années, Bell déménagera de nouveau et se déplacera vers le nouveau centre-ville, sur la Côte du Beaver Hall. Elle demeurera une compagnie dominante au Canada. |