En 1915, la firme Hudon, Hébert et Cie est dirigée par Zéphirin Hébert. L’entreprise de grossistes en alimentation est un des principaux commerces d’épicerie en gros de Montréal, secteur d’activité qui est alors dominé par des Canadiens français. La firme occupe depuis 1894 un immeuble comprenant plusieurs magasins-entrepôts au 425-445 de la rue Saint-Sulpice et est voisin de son concurrent L. Chaput, Fils et Cie. La maison importe des produits d’un peu partout dans le monde (café, thé, huile d’olive, marmelade, fruits secs…), mais offre aussi à sa clientèle des produits locaux mis en conserve sous l’étiquette maison «Gazelle» (avec le temps la gazelle est devenue « le petit chevreu » parmi la population).
Fondée en 1839 sous le nom de E. et V. Hudon, l’entreprise fut d’abord installée sur la rue Saint-Paul près de la place Jacques-Cartier, puis, toujours sur la rue Saint-Paul, mais à l’angle de la rue Saint-Jean-Baptiste. À partir de 1894, elle s’installait dans les magasins de l’Hôtel-Dieu. La maison de commerce changea plusieurs fois de nom et ce fut en 1883 que la raison sociale Hudon, Hébert et Cie fut adoptée. Les membres des familles Hudon et Hébert se succédèrent à la présidence de l’entreprise, des décès parfois prématurés forcèrent ces nombreux changements de direction.
Finalement, en 1911, Zéphirin Hébert devint président et gérant-général de l’entreprise. Sous sa direction, Hudon, Hébert et Cie poursuivit sur la voie du succès et de la stabilité. Zéphirin Hébert, fils du premier président Charles P. Hébert, était entré au service de la compagnie en 1883 et avait gravi tous les échelons menant à la présidence. Très engagé dans la communauté d’affaires montréalaise, il fut membre du Montreal Board of Trade dès les années 1890 et sera le premier francophone élu à la présidence du Board en 1917. Il sera aussi membre du conseil d’administration de la Banque d’épargne. Ses deux fils, Charles-Pierre et Jacques-Robidoux, suivront ses traces dans la voie commerciale, non sans avoir, auparavant, complété leurs études classiques, Hébert étant convaincu qu’une solide formation intellectuelle n’était pas seulement utile aux professions libérales.
La maison Hudon, Hébert et Cie poursuivra ses activités et continuera d’accroître son marché. En 1920, son chiffre d’affaires atteindra 12 000 000 $, mais cette année sera la dernière où la compagnie pourra bénéficier du très lucratif commerce des boissons alcoolisées. En effet, le gouvernement s’en accaparera le monopole en créant, en 1921, la Commission des liqueurs du Québec. Dès lors, le chiffre d’affaires de Hudon, Hébert et Cie se situera entre 5 et 6 M$, ce qui ne sera pas trop mal quand on pense qu’il ne concernera que les denrées et articles d’épicerie.
En 1925, afin de faire face à un nouveau type de concurrence, les chaînes de magasins, et peut-être aussi pour palier le manque à gagner causé par la perte du commerce des vins et spiritueux, Hudon, Hébert et Cie fusionnera avec son voisin et concurrent, L. Chaput, Fils et Cie, pour former Hudon-Hébert-Chaput. La nouvelle entreprise occupera ce qui était au départ 11 magasins-entrepôts différents. La fusion ne sera pas suffisante pour affronter les nouvelles règles commerciales; en 1932, la compagnie quittera les magasins de l’Hôtel-Dieu pour tenter une nouvelle fusion et réorganisation, la firme Laporte, Hudon et Hébert. |