L'année 1895 est dramatique pour la Banque du Peuple. Quelques mois à peine après l'achèvement des travaux de construction de son nouveau siège social de la rue Saint-Jacques, la banque suspend ses activités et ferme ses portes. La fuite du caissier J. S. Bousquet vers les États-Unis n'est pas étrangère à la dégringolade qui s'amorce dès juillet 1895. Il a en effet démissionné parce qu'on lui reproche d'avoir consenti des prêts non garantis dépassant une valeur de 1 500 000 dollars. Quand la nouvelle est connue, les clients se ruent sur la banque : ils veulent retirer leurs économies et les mettre à l'abri des décisions de ces gestionnaires imprudents.
Les affaires de la Banque du Peuple semblaient pourtant florissantes. La crise économique du début des années 1870 ne lui avait pas laissé trop de séquelles et grâce à une gestion assez conservatrice, la population canadienne-française lui accordait généralement sa confiance. Mais les années 1880 s'annonçaient plus difficiles pour la banque ; ses profits furent inférieurs à ceux de ses concurrentes et elle était incapable de payer des dividendes équivalents. La compétition était plus vive et la Banque du Peuple dut réévaluer son mode de gestion en commençant par l'apport de sang neuf à la direction. Jacques Grenier accéda à la présidence en 1885 et, deux ans plus tard, J. S. Bousquet, un nouveau caissier, vint lui prêter main-forte. Ensemble, ils firent croître les actifs de la banque de 190 % en une décennie. Le secret de cette réussite ? L'ouverture de succursales, une dizaine en tout, afin d'attirer de nouveaux épargnants. La Banque du Peuple, dont la clientèle était essentiellement francophone, était un exemple de réussite des Canadiens français dans le monde de la finance et jamais on aurait cru à un tel effondrement.
À la suite de la fermeture de la banque en 1895, quelques entreprises canadiennes-françaises seront entraînées dans sa chute. La Banque du Peuple et ses dirigeants s'engageront dès lors dans de longues batailles juridiques et politiques avec les clients qui voudront à tout prix récupérer leurs avoirs. Finalement, la banque remettra 75 % de la valeur des dépôts aux épargnants et une loi fédérale mettra les dirigeants à l'abri des poursuites.
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