Le 3 mai 1785 la Compagnie du Nord-Ouest reçoit l'autorisation officielle d'envoyer des marchandises au Grand-Portage et dans les pays d'en haut. Pendant l'hiver les marchandises de traite, reçues de Grande-Bretagne l'été auparavant, sont manutentionnées dans les magasins de Joseph et Benjamin Frobisher situés à l'angle des rues Saint-Gabriel et Sainte-Thérèse. Puis ces ballots de plus de quatre-vingt livres chacun sont transportés de Montréal à Lachine. Vers janvier, les agents de la compagnie ont engagé les hommes qui feront le voyage aller-retour entre Montréal et Grand-Portage. Avec le dégel, la flotille est prête à partir : 260 hommes, 25 canots, 3 500 gallons de rhum, 340 gallons de vin, 300 fusils, 8 000 livres de poudre,12 000 livres de balles. Au total, ces marchandises ont une valeur de 20 000 £.
Fondée en 1783 et dirigée par des marchands anglo-écossais, la Compagnie du Nord-Ouest a rapidement établi sa domination sur le commerce. Elle est le fruit d'efforts déployés par des marchands montréalais déterminés à exploiter les riches territoires du bassin des rivières Saskatchewan et de la Paix et de celui du fleuve Mackenzie, concurrençant directement la Compagnie de la Baie d'Hudson. Pour réussir, malgré des distances énormes, à mener à destination les marchandises de traite et les fourrures, il fallait une organisation centralisée qui puisse assurer la coordination et la gestion des hommes, de l'approvisionnement et du capital nécessaires à l'entreprise.
Durant les 20 premières années de son existence, la Compagnie du Nord-Ouest a dû affrontrer des associés dissidents ou des concurrents qui, après 1794, ont quitté les nouveaux États-Unis pour les territoires britanniques. Entre 1783 et 1805, la compagnie fera l'objet de six ententes successives. Malgré les changements qui se produisent parmi les dirigeants de la société, la structure de base demeure inchangée. Les affaires seront dirigées par Benjamin et Joseph Frobisher jusqu'en 1787, année de la mort de Benjamin. Simon McTavish s'associera alors avec Joseph Frobisher et s'affirmera comme dirigeant. C'est la nouvelle société McTavish, Frobisher & Company qui, au sein de la Compagnie du Nord-Ouest, obtiendra du financement, importera les marchandises de traite, équipera les canots, engagera les voyageurs et vendra les pelleteries.
Au début du XIXe siècle, la compagnie sera au sommet de son pouvoir économique. Ses importantes propriétés foncières - un ensemble des magasins, d'entrepôts et de bureaux occupant presque tout le quadrilatère borné par les rues Saint-Paul, Saint-Gabriel, Sainte-Thérèse et de Vaudreuil -témoigneront de cette puissance. En 1804, elle absorbera la Compagnie XYZ, son dernier concurrent montréalais avec lequel elle était en compétition depuis six ans. Le capital de la compagnie frôlera alors les 120 000 £, une somme immense pour l'époque. Mais rapidement la compagnie devra composer avec d'autres concurrents qui commerceront aussi dans le grand Nord-Ouest : la Pacific Fur Company fondée par John Jacob Astor et la Compagnie de la Baie d'Hudson. Après une période de concurrence acharnée, marquée par des pertes financières et humaines (le massacre de Seven Oaks), la Compagnie du Nord-Ouest fusionnera avec la Compagnie de la Baie d'Hudson en 1821. |