En 1873, la compagnie du chemin de fer Grand Tronc est de loin la plus importante entreprise du jeune Dominion du Canada, mais elle est fort peu rentable. Les dirigeants adoptent cette année-là une stratégie à deux volets pour renflouer les caisses de la compagnie. Tout d’abord, au printemps, le gouvernement autorise une nouvelle émission d’actions de 7 500 000 £ à Londres vendue à 20% de leur valeur établie. Ceci permet une réduction de la dette de la compagnie et le financement d’un ambitieux projet de reconstruction du réseau.

Dans un deuxième temps, la compagnie accepte de modifier le réseau selon les normes américaines. Ceci implique le remplacement de toutes les roues et de tous les systèmes de suspension des 3 000 wagons existants ainsi que la construction de 150 nouvelles locomotives et de 800 wagons. Durant la nuit du 4 octobre, une vaste opération de réduction des voies est lancée : en seulement 5 heures, 1 510 travailleurs modifient la taille de 921 milles (1 474 km) de rails.

Grand projet impérial des années 1850, le Grand Tronc couvrait alors la distance de Windsor à Montréal. Grâce au pont Victoria, inauguré par le Prince de Galles en 1860, il pouvait rejoindre le Saint-Laurent et Atlantique qui se dirigeait alors vers Portland, Maine. Le Grand Tronc fit construire, à la Pointe-Saint-Charles, au sud-ouest du Vieux-Montréal, les plus importants ateliers ferroviaires du Canada. Plus de 2 000 travailleurs y trouvèrent un emploi. Depuis 1871, l’atelier est relié au Vieux-Montréal par une nouvelle voie de chemin de fer qui longe le port.

La réorientation stratégique du Grand Tronc en 1873 s’avérera fructueuse. En 1882, la compagnie fusionnera avec la Great Western Railway de Hamilton en Ontario. En 1899, débuteront les travaux de construction du siège social du Grand Tronc, situé au 360 rue McGill, travaux qui seront terminés en 1902. La ligne transcontinentale, le rêve des grands compagnies ferroviaires, sera construite en 1912 et prendra le nom de Grand Tronc pacifique. Les difficultés financières qui en découleront mèneront à la nationalisation du Grand Tronc et à la création du Canadien national en 1917.