En 1681, Jacques Le Ber est un des plus riches marchands de Montréal. Avec sa femme, Jeanne Le Moyne, et leurs cinq enfants, il habite une maison située en retrait de la rue Saint-Paul et accolée à celle de Charles Le Moyne, son associé et beau-frère. Cette année-là, le commerce des deux associés est profondément modifié. Depuis la paix conclue avec les Iroquois en 1667, Le Ber et Le Moyne avaient établi des postes de traite de fourrures au-delà de la limite sécuritaire de Montréal s'assurant ainsi plusieurs points d'accès au lac Saint-Louis : une ferme à Lachine (1669), la seigneurie de Châteauguay (1673) et le fief Boisbriant (Senneville) (1679). En principe tout commerce à l'extérieur de la ville est interdit. Mais le gouverneur de l'île, François-Marie Perrot, et le gouverneur de la colonie, Louis Buade de Frontenac, étant eux-mêmes engagés dans la traite illégale, Le Ber et Le Moyne en profitent pour faire progresser leur commerce. En 1681, le roi autorise dorénavant les départs pour faire la traite des fourrures dans les pays d'en haut pour quiconque détient un des 25 permis accordés par le gouverneur. Le Ber et Le Moyne agiront désormais de plus en plus en vue d'équiper d'autres commerçants qui voyageront vers l'intérieur.
Selon les informations disponibles, Le Ber était vraisemblablement actif dans le commerce depuis son arrivée au Canada. En avril 1653, il achetait à Québec les droits de Pierre Soumande dans une entreprise de pêche à la morue. Un an plus tard, il s'associait à Thomas Hayot et Étienne Denevers pour faire la traite des fourrures en Acadie. Arrivé à Montréal en 1657, il s'insérait rapidement dans la société montréalaise et, en janvier 1658, il épousait Jeanne Le Moyne. Aux liens familiaux s'ajouta bientôt une alliance commerciale lorsque les beaux-frères se lancèrent en affaire. Ils ouvrirent ensemble un magasin sur la rue Saint-Paul, face au site de la foire annuelle des fourrures.
Un quart de siècle d'activités commerciales communes s'achève en 1683. En décembre, à peine un an après le décès de Jeanne Le Moyne, les associés feront le partage de leurs propriétés à l'extérieur de Montréal et de Lachine. Les deux négociants investiront tout de même plus de 20 000 livres dans la formation de la Compagnie de la Baie du Nord, afin de concurrencer le monopole de la Hudson's Bay Company dans la baie d'Hudson. À titre personnel, Le Ber exploitera deux tiers de la seigneurie de l'île Saint-Paul (île des Sœurs) qu'il avait achetée pendant les années 1660. Peu enclin pour le service du roi, Le Ber assiste néanmoins en 1678 à une assemblée de notables convoquée afin de recommander une politique sur la traite de l'eau-de-vie. Une autre assemblée, en 1684, discutera de l'imposition de nouvelles taxes. En plus, en 1686, il fera construire un moulin fortifié sur le fief Senneville au bout de l'île afin de mettre cette région à l'abri des attaques iroquoises. Quand, en 1696, en quête de revenus, Louis XIV offrira en vente des lettres de noblesse, Le Ber – le seul membre de l'élite coloniale qui dispose d'assises financières suffisantes, selon l'estimation de l'Intendant Champigny – acquerra son titre pour la somme de 6 000 livres. Il mourra en 1706, laissant sa fortune à ses trois enfants survivants : Jeanne, la célèbre recluse; Pierre, devenu membre fondateur des Frères Charon, et Jacques, qui a gaspillé une partie de son héritage en France avant de revenir dans la colonie et réparer sa fortune. |