Le 17 mai 1642, Paul de Chomedey de Maisonneuve et Jeanne Mance fondent, avec une poignée de colons, le petit établissement de Ville-Marie. Officier militaire reconnu pour sa piété, Chomedey de Maisonneuve a été choisi par la Société de Notre-Dame pour établir un centre missionnaire sur l'île de Montréal. Conçu par Jérôme LeRoyer de LaDauversière, ce projet est concrétisé sur place par Maisonneuve, Jeanne Mance, et les artisans et cultivateurs qui les accompagnent. Dès leur arrivée, les « Montréalistes » construisent quelques bâtiments entourés d'une palissade, entre la Petite Rivière et le fleuve Saint-Laurent, l'actuelle pointe à Callière. Maisonneuve a alors trente ans. Il est célibataire.
Maisonneuve est né en Champagne, fils unique d'une famille noble. Destiné dès sa jeunesse à la carrière des armes, il aurait démontré courage et hardiesse mais nous n'avons aucune informations concrètes sur ses faits d'armes. Réprouvant la dissipation de ses compagnons, il se serait isolé de plus en plus dans la ferveur religieuse. Malgré son jeune âge, cette ferveur en fait, aux yeux des dévots de la Société de Notre-Dame, le candidat idéal pour réaliser ce que d'autres appelleront « la folle entreprise ».
Gouverneur de l'île de Montréal, Maisonneuve sera pendant plus de vingt ans à la tête du poste français le plus exposé du Canada. Arrivé à Québec en 1641, il doit d'abord contrer l'opposition du gouverneur Jean de Huault de Montmagny, lequel préférerait voir ces nouveaux colons s'installer à proximité de Québec. Face aux obstacles et aux nombreux périls qui guettent les « Montréalistes », Maisonneuve oeuvre à la survie de Ville-Marie, tant sur place qu'en France où il ira chercher soutien financier, matériel et nouvelles recrues. Selon Marcel Trudel, la gestion de Maisonneuve sera marquée par l'improvisation.
Dès 1643, la population est sujette aux attaques iroquoises, mais Maisonneuve hésite à riposter. Certains colons lui reprocheront même d'être trop timide face aux Iroquois. En mars 1644, il entreprend une sortie en compagnie d'une trentaine d'hommes. Tombé dans une embuscade, Maisonneuve couvre la retraite de ses camarades et réussit à tuer le chef des assaillants. Suite à ce combat, que l'on situe traditionnellement sur la place d'Armes, Maisonneuve aurait regagné la confiance des colons.
Ville-Marie devant être une mission où cohabiteraient amérindiens convertis et colons français, la propriété de l'île est d'abord réservée à la Société de Notre-Dame, une partie étant toutefois concédée en 1644 à l'Hôtel-Dieu fondé par Jeanne Mance. Les colons ont dû constater que ce projet de vie en communauté avait ses limites car, à partir de janvier 1648, Maisonneuve concède des terres à des habitants tels que Pierre Gadois, Jean Desroches, Augustin Hébert et Jamin Bourguignon. Par la suite, il concédera aussi des emplacements dans un espace qu'il réserve pour établir la ville, le site actuel du Vieux-Montréal. Sur le terrain, un parcellaire se dessine, non plus en communauté mais en habitations individuelles concédées selon le régime seigneurial. Seule la menace iroquoise oblige régulièrement les colons à se rassembler au fort ou à l'hôpital.
Le centre missionnaire se transforme aussi en comptoir commercial. En 1663, des difficultés financières obligent la Société de Notre-Dame à céder l'île de Montréal au Séminaire de Saint-Sulpice, établi à Ville-Marie depuis 1659. Maisonneuve lui-même a quitté le fort pour loger dans le premier séminaire construit par les sulpiciens sur la commune, en retrait de l'actuelle rue Saint-Paul. Le pouvoir royal est désormais plus présent dans la colonie. La carrière montréalaise de Maisonneuve se terminera de manière abrupte et les circonstances de son départ demeurent obscures. Peu après l'arrivée de Prouville de Tracy et de Rémy de Courcelle, chargés d'établir le pouvoir royal dans la colonie, Maisonneuve est rappelé en France en 1665. Il se retire à Paris où il meurt en 1676. |