Âgé de 20 ans, Pierre Le Moyne d'Iberville est à l'aube d'une éclatante carrière militaire. Il est le troisième fils de Charles Le Moyne de Longueuil, l'un des deux plus importants marchands de Montréal. L'anoblissement de son père en 1668 pour services rendus au roi ouvre à ses fils l'opportunité de poursuivre une carrière en tant qu'officiers militaires. En 1681, Pierre habite toujours chez son père, dans la grande maison un peu en retrait de la rue Saint-Paul, à l'angle de la rue Saint-Sulpice. Le caractère singulier du personnage nous incite à jeter un coup d'oeil sur cette carrière qui a frappé l'imaginaire des historiens et de la population.
On sait peu de choses de la jeunesse d'Iberville. Son père étant très actif dans le commerce des fourrures, le jeune Pierre aurait eu l'occasion de naviguer tant sur les rivières et les lacs de l'intérieur du continent que sur le fleuve Saint-Laurent vers Québec. Il a sans doute pu fréquenter les personnages importants de la colonie voire même se rendre en France pendant sa jeunesse car le gouverneur Le Febvre de La Barre lui confiera à l'âge de 22 ans la charge de porter ses dépêches à la cour.
Nous ne savons pas si Pierre a grandi dans l'ombre de ses frères Charles et Jacques, mais il s'est certainement démarqué très rapidement. Charles Le Moyne fils sera une figure marquante dans la colonie, alors que Pierre n'hésite pas à se lancer à l'aventure sur terre et sur les mers. Il entre au service du roi en 1686 avec ses frères Jacques et Paul dans une première expédition contre les postes anglais de la baie d'Hudson. Dès cette première campagne, qui implique 85 jours de canot et de portage pour se rendre sur les lieux des combats, Iberville se distingue déjà dans le feu de l'action. En 1688, c'est lui qui dirige une expédition, par voie de mer cette fois, et capture quelques postes additionnels. La déclaration de la Guerre de la Ligue d'Augsbourg en mai 1689 donne à Iberville l'occasion de poursuivre sa carrière. En plus de participer au raid contre Corlaer en Nouvelle-Angleterre, il dirige des attaques dans la baie d'Hudson, dans la baie James, et à Terre-Neuve. Au cours de ces campagnes, Iberville acquiert non seulement une réputation de bravoure mais aussi celle d'intransigeance dans ses tractations avec l'ennemi. Comme bien des officiers, il tire aussi un profit commercial de ses aventures militaires. La campagne de 1694 est d'ailleurs organisée « à la flibustière ». Le roi fournit les vaisseaux et le matériel alors que Iberville paiera la solde et le ravitaillement et partagera avec ses hommes le butin et les bénéfices.
La paix de Ryswick met fin à cette série d'aventures en 1697, et Iberville se voit alors chargé d'une nouvelle mission, la création d'une nouvelle colonie à l'embouchure du fleuve Mississipi. De 1698 à 1701, il établit une présence française en Louisiane, puis il quitte définitivement la nouvelle colonie en 1702. Il souffre par la suite de nombreux accès de fièvre qui mineront sa santé. La reprise des hostilités par la Guerre de Succession d'Espagne lui offre l'occasion de reprendre la mer. En 1706, il prend le commandement d'une escadre de 12 vaisseaux pour harceler, non plus les postes anglais des mers du nord, mais les colonies britanniques des Antilles. La poursuite d'objectifs militaires et commerciaux par Iberville et ses frères, déjà évidente dans la baie d'Hudson, devient encore plus ouverte et attirera de nombreuses critiques envers l'ensemble de la famille Le Moyne, même de la part du ministre de la Marine. Ce sera sa dernière expédition. Il meurt soudainement à La Havane vers le 9 juillet 1706. Dans la mémoire collective, il a laissé le souvenir du soldat brave, courageux et intrépide dont l'action a permis de consolider, pour un temps, la présence française en Amérique. On a raconté ses exploits à la télévision et on a construit une réplique d'un de ses navires, le Pélican. |