En 1725, Pierre Legardeur de Repentigny a soixante-huit ans et bien qu'il soit toujours officier militaire de carrière avec le grade de capitaine, ses années les plus actives sont loin derrière lui. Même si les gouverneurs Callière et Vaudreuil le qualifient de « bon officier », ce dernier juge que le commandement d'un fort plutôt qu'une expédition militaire conviendrait mieux à Legardeur. Legardeur réside avec sa femme, Agathe de Saint-Père, dans une maison de pierre située à l'angle nord-est des rues Saint-Paul et Saint-François-Xavier, l'endroit réputé le plus propice au commerce dans la ville. Parmi les sept enfants nés du couple, un seul est décédé en bas âge et, en 1725, une fille de trente-cinq ans habite chez ses parents.
Legardeur a commencé sa carrière d'officier militaire en 1685, alors que la colonie était en guerre avec les Iroquois. Il a participé aux expéditions contre les villages iroquois en 1687 et, en 1693, il était à la tête de 600 troupes françaises et amérindiennes. Bien qu'il ait monté en grade par la suite, on ignore à quels postes il fut affecté. En 1733, le roi le nommera chevalier de Saint-Louis, le plus haut titre honorifique militaire.
Élévée dans la maison de son beau-père, Jacques LeMoyne, Agathe veillait sur ses beaux-frères et belles-soeurs après le décès de leur mère en 1672 et même après son propre mariage en 1685. Sa capacité à maîtriser des situations difficiles et à agir de manière indépendante lui servit bien pendant sa vie de femme mariée. L'indolence de son mari la poussa à s'impliquer dans le commerce des fourrures, à régler des dettes et même à établir une boulangerie et une manufacture de textiles. Cette dernière, s'appuyant à l'origine sur une main-d'œuvre composée de neuf tisserands anglais capturés par les Amérindiens, fut créée en 1705 alors qu'il n'existait qu'un métier sur l'île de Montréal. Pendant huit ans Agathe de Saint-Père reçut une gratification royale pour ses efforts à former des tisserands canadiens, mais en 1713 elle vendit la manufacture. Deux ans plus tard, elle pressait son mari afin qu'il achète la seigneurie de Lachenaie, adjacente à la possession familiale de Repentigny, pour une somme de plus de 38 000 livres. |