En 1873, Jean-Baptiste Roland est un commerçant qui mène des affaires florissantes. Il est à la tête de l’entreprise J.B. Rolland & Fils, une librairie-imprimerie située à l’actuel 410 de la rue Saint-Vincent, tout à côté de l’imprimerie d’Eusèbe Sénécal. Il habite sur la rue Saint-Denis face au carré Viger dans une résidence qu’il a fait construire. Intéressé par la politique municipale, il est aussi représentant du Quartier Est au conseil municipal de Montréal. Comme de nombreux hommes d’affaires canadiens-français, il est actionnaire de la Banque Jacques-Cartier.
Né à Verchères en 1815, il s’installa à Saint-Hyacinthe avec sa famille en 1828. On raconte qu’en 1832, il quitta cette ville pour se rendre à pied à Montréal. Il devint alors apprenti typographe à La Minerve, puis en 1836 compagnon au Morning Courrier. En 1840, il démarrait son entreprise d’imprimerie en association avec John Thompson, association qui prit fin en 1843.
Le commerce du livre intéressait particulièrement Rolland et dès 1842, il ouvrait un premier magasin sur la rue Saint-Vincent. Il élargit son champ d’action en éditant et imprimant des ouvrages scolaires et religieux. Il ne vendait pas que des livres, mais tout comme la plupart des libraires du milieu du XIXe siècle, il vendait du papier, des articles de papeterie, divers objets d’importation comme des horloges, des bijoux ou des parfums. L’entreprise était florissante et les locaux de la rue Saint-Vincent devenaient exigus. Vers 1855, Rolland déménageait son commerce dans un local plus grand, toujours sur la rue Saint-Vincent.
Le commerce du livre était à l’époque surveillé de près par l’Église catholique. Jean-Baptiste Rolland, qui avait parmi ses clients des communautés religieuses, voulait faire bonne impression et conserver leur appui. Une anecdote rapportée dans La Minerve du 4 novembre 1857 raconte que Rolland ayant reçu un approvisionnement de livres de Paris découvrit que parmi ces livres se trouvaient un grand nombre de titres « d’un mauvais esprit et qui n’offraient qu’une lecture dangereuse ». Il aurait alors, non sans avoir demandé à un prêtre de Saint-Sulpice d’examiner les livres, trié et brûlé les mauvais livres ( 1 500 selon les chiffres de La Minerve). La presse conservatrice eut tôt fait d’applaudir le geste, mais un journaliste du Pays (journal plus radical) douta que le feu ait réellement fait son œuvre et crut plutôt à une astuce publicitaire de Rolland.
Rolland a-t-il brûlé tous ces livres ? On ne le sait trop. On retient cependant qu’il était à la tête d’une entreprise prospère qui en 1859 devint la J.B. Rolland & Fils alors que le fils aîné de Jean-Baptiste, Jean-Damien, entra en société avec son père. Il en fut ainsi de ces trois autres fils qui furent tous associés à l’entreprise. En y associant ses fils, Rolland assurera un avenir plus que prometteur à son entreprise.
En 1881, la famille Rolland franchira une étape importante en décidant, pour s’assurer un meilleur approvisionnement en papier, de mettre sur pied une usine de fabrication de papier. La Compagnie de papier Rolland s’installera à Saint-Jérôme et acquerra peu à peu une solide réputation. La librairie et l’imprimerie poursuivront et développeront leurs activités dans le Vieux-Montréal.
Outre ses activités commerciales et industrielles, Jean-Baptiste Rolland sera un important promoteur immobilier. Il participera, entre autres, au développement du secteur du carré Viger et de la municipalité d’Hochelaga. On le retrouvera en 1879 à la présidence de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, puis de 1880 à 1883 au Conseil des arts et manufactures de la province de Québec. Membre du Parti conservateur, Jean-Baptiste Rolland sera nommé par le gouvernement fédéral à la Commission du havre de Montréal en 1879. Sa carrière politique se terminera par sa nomination au Sénat le 22 octobre 1887. Cinq mois plus tard, le 22 mars 1888, Jean-Baptiste Rolland décédera à Montréal.
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