En 1915, Lord Thomas Shaughnessy est président de la compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique qui occupe depuis peu un important édifice au 401-407 de la rue McGill, édifice qui porte d’ailleurs le nom de son président. Ce dernier dirige avec talent cette énorme compagnie et ses qualités de financier le font remarquer à l’échelle canadienne. La Première Guerre mondiale fait rage, mais il réussit à maintenir le Canadien Pacifique en dehors de la panique financière qui affecte de nombreuses entreprises. Il est aussi président de la Dorchester Realties, propriétaire de l'édifice Shaughnessy.
D’origine américaine, Thomas George Shaughnessy est né à Milwaukee dans le Wisconsin le 6 octobre 1853. Il fit ses études dans cette ville et débuta un emploi dans les chemins de fer en 1869. Il avait alors 16 ans et travaillait au département des achats de la compagnie Milwaukee et Saint-Paul. Il gravit rapidement les échelons de la compagnie et, en 1882, devint chargé général des magasins du chemin de fer Chicago, Milwaukee & Saint-Paul. Il fut alors remarqué par William Van Horne qui était en campagne de recrutement pour la toute nouvelle compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique. Van Horne lui offrit le poste d’agent général des achats. Shaughnessy accepta la proposition et quitta les États-Unis.
Son cheminement professionnel connut alors un développement très rapide. En 1889, il devenait assistant du président du CPR, vice-président et directeur en 1891, puis président en 1899. Shaughnessy ne se contenta pas de veiller au bon fonctionnement de l’entreprise, il lui fit prendre une expansion considérable et lui permit de varier ses activités. De 1899 à 1913, le réseau ferroviaire du Canadien Pacifique passa de 11 200 km à 18 000 km. De plus pour offrir de nouveaux débouchés à l’entreprise, Shaughnessy organisa l’achat, par le CPR, de navires transatlantiques (une quinzaine de bateaux de l’ancienne ligne Beaver). Le Canadien Pacifique pouvait dès lors assurer le transport d’immigrants européens vers le Canada par voie maritime, puis vers l’ouest canadien grâce au réseau de chemin de fer. Le CP devenait ainsi un grand armateur.
Durant la guerre, Lord Shaughnessy placera toutes les ressources du Canadien Pacifique (chemins de fer, navires, ateliers) à la disposition des Alliés. La compagnie en tirera de généreux bénéfices et le prestige de Shaughnessy en sera aussi rehaussé. Il n’hésitera pas à prendre publiquement position en faveur de la participation canadienne à la guerre. Il conseillera le gouvernement anglais, préoccupé par la situation de la Russie, sur les moyens à prendre pour améliorer les chemins de fer dans cet immense pays. En 1916, il accédera au titre de baronet après avoir été nommé chevalier commandeur du Victorian Order en 1907.
En 1918, Lord Shaughnessy quittera ses fonctions de président du Canadien Pacifique et deviendra président du conseil d’administration de l’entreprise, poste qu’il occupera jusqu’à son décès. Ces conseils seront toujours recherchés et en 1920-1921 quand seront discutés les différents projets sur l’avenir des chemins de fer nationaux, il présentera un mémoire au gouvernement Borden où il exposera sa conception d’une entreprise ferroviaire d’état. Il n’est pas surprenant de constater que ces propositions favoriseront l’entreprise nationale et … le Canadien Pacifique.
Lord Shaughnessy épousa en 1880 une jeune fille de Milwaukee, Maud-Elizabeth Nagle, et eut cinq enfants. Ils vivaient dans une somptueuse résidence du boulevard Dorchester (résidence aujourd’hui intégrée au Centre canadien d'architecture sur le boulevard René-Lévesque). Un de ses fils fut tué durant la guerre, le second héritera du titre de baron au décès de son père en 1923. L’élite politique et financière de Montréal et du Canada rendra hommage à cet homme d’affaires qui non seulement maintint le Canadien Pacifique sur ses rails, mais lui permit d’accéder à de nouveaux horizons.
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