En 1895, Louis-Joseph Forget est un homme riche, puissant et très respecté. Il est un des rares Canadiens français de son époque à faire partie de la haute bourgeoisie financière du Canada. Cette année-là, il accède à la présidence de la Bourse de Montréal. Il est aussi à la tête de la firme de courtage L. J. Forget et Cie et est président de la Montreal Street Railway depuis 1892. Il a de plus relevé le défi de rétablir la difficile situation financière de la Compagnie de navigation du Richelieu et d'Ontario dont il assure la présidence depuis 1894. Marié à Maria Raymond, il habite une somptueuse résidence sur la rue Sherbrooke dans le Golden Square Mile.
Louis-Joseph Forget est né à Terrebonne en 1853. Il devenait commis dans une maison de courtage de Montréal en 1873 et, l'année suivante, il achetait une place à la Bourse de Montréal. En 1876, il fondait sa propre firme de courtage, la L. J. Forget et Cie, entreprise qui acquit rapidement une excellente réputation dans les milieux financiers canadiens. En 1890, son neveu, Rodolphe Forget, se joignait à lui et les deux financiers s'aventurèrent dans les fusions d'entreprises sans pour autant négliger leurs activités boursières.
Parmi les regroupements d'entreprises, deux seront particulièrement éclatants. La premier sera la formation en 1901 de la Montreal, Light, Heat & Power qui établira un quasi-monopole des services publics à Montréal. En 1905, Forget complétera un autre ambitieux projet de restructuration en participant à la création de la Dominion Textile Company. Il sera membre de plusieurs conseils d'administration, dont celui de la Compagnie du chemin de fer Canadien Pacifique en 1904 où il sera alors le premier Canadien français à siéger. À l'image de plusieurs hommes d'affaires de son époque, Forget sera peu réceptif aux revendications ouvrières et devra affronter les syndicats qui réclameront leur reconnaissance et de meilleures conditions de travail. En 1903, une première grève des ouvriers des tramways éclatera ; les grévistes seront d'ailleurs momentanément accompagnés dans leur débrayage par les employés de la Montreal Light Heat & Power, solidaires de leur cause. La Dominion Textile sera aussi le théâtre de conflits orageux, notamment en 1906 et 1908.
Membre du Parti conservateur, Forget ne sera jamais candidat à des élections, mais il acceptera un siège au Sénat en 1896. Ses relations avec son neveu Rodolphe se détérioreront et les deux hommes mettront un terme à leur association en 1907. Louis-Joseph Forget demeurera à la tête de la firme de courtage, mais un contexte économique difficile et une santé déclinante l'empêcheront de mener à terme tous ses projets. Il quittera la présidence de la Compagnie de navigation du Richelieu et d'Ontario en 1904, puis celle de la Montreal Street Railway en 1909. Il décédera à Nice en France le 7 avril 1911 et laissera à sa succession une fortune colossale. |