En 1849, Louis-Joseph Papineau, l’ancien chef Patriote âgé de 62 ans, est de nouveau en ville, étant revenu depuis 1845 de son exil en France suite aux rébellions de 1837. Il demeure rue Bonsecours avec son épouse Julie Bruneau dans la maison paternelle qu’ils ont fait rénovée au début des années 1830. Depuis un an, Papineau est membre de l’Assemblée législative du Canada-Uni, où il s’est cependant rapidement retrouvé en opposition avec ses anciens collègues politiques, notamment Ludger Duvernay, Wolfred Nelson et Denis-Benjamin Viger, qui voient dans la responsabilité ministérielle la meilleure solution au problème canadien-français. Déçu par l’échec du rappel de l’Union, Papineau adopte une position annexionniste en 1849 et donne son appui à une coalition regroupant une minorité de libéraux francophones de Montréal et une majorité de marchands tories. Dans une lettre adressée au Comité annexionniste de Québec en octobre 1849, il ne voit que l’annexion aux États-Unis comme moyen « de faire cesser pour le Canada ce triste régime colonial ».
Louis-Joseph Papineau, fils du notaire estimé Joseph Papineau, est né à Montréal en 1786. Par sa mère, Rosalie Cherrier, il est apparenté aux Viger – Denis-Benjamin, Jacques et Louis-Michel. Ayant fait ses études au Collège de Montréal puis au Petit séminaire de Québec, il commence en 1805 sa cléricature en droit auprès de son cousin Denis-Benjamin Viger. En 1808, avant même d’être admis au barreau, il se lance dans une carrière politique qui ne prendra fin qu’après 1850. En 1809, il est élu député de Kent (Chambly) et rejoint son père comme membre de l’Assemblée législative du Bas-Canada (Québec). À partir de 1814 il est député de Montréal-Ouest et un an plus tard, grâce à ses talents politiques, il devient chef du parti canadien et se fait élire orateur (président) de la chambre d’Assemblée.
Sa carrière politique bien établie Papineau entreprend des changements importants dans sa vie privée. En 1817, il achète de son père la seigneurie de la Petite-Nation et devient ainsi un grand propriétaire foncier dans la vallée des Outaouais. L’année suivante, il convole en justes noces avec Julie Bruneau, fille d’un marchand de Québec et aussi député de l’Assemblée. Le couple aura neuf enfants dont seulement cinq survivront à l’enfance. De 1823, lorsque son mari se rend à Londres afin d’empêcher un projet d’union du Bas-Canada et du Haut-Canada, et jusqu’aux Rébellions, Julie entretient une riche correspondance avec son époux. Ces lettres nous informent non seulement sur la vie quotidienne de la famille, de la parenté et des amis, mais aussi sur les grandes questions politiques du jour. Parfois préoccupée par des maladies et une gamme de guérisons possibles – le vomitif, la saignée et la purgation – la correspondance révèle la destinée d’une femme qui s’occupait de ses enfants en se privant des grands amusements. Les absences longues et fréquentes de Papineau laissent aussi leurs empreintes sur les enfants. Selon le témoignage de son fils aîné Amédée, il était « absorbé par la politique et les sessions législatives à Québec », trop occupé de « prodiguer ses soins et son amour que par intervalles » (A. Papineau, p. 19).
Pendant les années 1820 l’influence du cercle Papineau, y compris les Viger et les Cherrier, sur le parti canadien à l’assemblée ne cesse de s’accroître. À partir de 1826 ce parti devient le parti patriote et son programme politique, dont le journal La Minerve sert d’organe officiel, s’endurcit contre le gouvernement qui n'acquiesce pas aux réformes souhaitées, surtout sur la question du contrôle des subsides. Par le refus systématique des subsides pendant les années 1830 les Patriotes sous Papineau essayent de forcer le gouvernement britannique à accepter le principe de la responsabilité ministérielle dans la colonie. Les Quatre-vingt-douze résolutions votées par la chambre d’Assemblée en 1834 résument les principaux griefs des Patriotes et leurs demandes les plus importantes : le contrôle du revenu par la législature, la responsabilité de l’exécutif et l’élection des conseillers législatifs.
En 1837, face à l’intransigeance continue du gouvernement et le rejet catégorique des Quatre-vingt-douze résolutions, Papineau et les Patriotes mettent en place des mesures pour une lutte armée. Les Patriotes remportent une victoire lors d’une première confrontation contre l’armée britannique vers la fin de novembre à Saint-Denis. Mais à la suite de leur défaite à Saint-Charles deux jours plus tard, Papineau se réfugie au Vermont. Là, pendant l’hiver 1837-1838, il se produit une scission parmi les Patriotes en exil : les plus radicaux se préparent pour une seconde insurrection tandis que Papineau, plus modéré, se désiste de tout projet d’invasion. Redouté par les autres réfugiées, Papineau se trouve isolé.
Sa famille le rejoint dès juin 1838. En février 1839 Papineau s’embarque pour la France, suivi quelques mois plus tard par Julie et trois de leurs enfants. Papineau y reste en exile jusqu’en 1845 – les deux dernières années, il les passe loin de son épouse et de ses enfants déjà rentrés au Canada – alors qu’il reçoit une amnistie du gouvernement. Bien qu’il se mêle encore de politique après 1848, il se consacre de plus en plus à l’aménagement de sa seigneurie de la Petite-Nation et de son manoir Montebello. Il y fera sa retraite en 1854. Il y décédera en 1871, neuf ans après la mort de Julie. |