Le 17 septembre 1785, le notaire Joseph Papineau et le marchand Pierre Guy, exécuteur testamentaire de Thérèse Legrand, se rencontrent à la maison de Pierre Foretier, veuf de Legrand. Foretier réside avec ses cinq filles, toutes mineures, dans sa maison en pierre à deux étages située sur le coin sud-est des rues Notre-Dame et Saint-Pierre. Il a acquis cette maison par cession de son beau-père en 1778. Guy et Papineau ont le devoir d'énumérer tous les biens appartenant au couple Foretier et Legrand avant le décès de celle-ci en 1784. Terminé et déposé le 21 décembre, l'inventaire indique que Foretier est le mieux nanti des marchands francophones montréalais. Il possède une fortune d'une valeur nette de presque 235 000 livres, à laquelle s'ajoutent 31 bâtiments et terrains, répartis à travers la vieille ville, mais surtout dans le faubourg Saint-Laurent.
Fils d'un cordonnier, Foretier s'est lancé en affaires au début des années 1760, agissant comme marchand et comme spéculateur immobilier. À cette époque il s'est marié avec Thérèse Legrand, fille du marchand bien en vue, Jean-Baptiste Legrand. Dans le commerce, Foretier s'associait successivement avec Joseph Périnault et Jean Orillat. Pendant la guerre de l'Indépendance américaine Foretier prouvait sa fidélité au roi en agissant comme courrier et en approvisionnant en poudre l'armée britannique. En guise de récompense, il fut nommé juge de paix et cumula d'autres charges après 1776. Grâce à ses investissements immobiliers, il devient, à partir des années 1780, le plus grand propriétaire foncier du faubourg Saint-Laurent. Lors de son retrait des affaires, sa rente foncière lui assurera une vie confortable.
Deux de ses filles se marieront avec des personnages importants : Louis-Charles Foucher, solliciteur-général, et Denis-Benjamin Viger, avocat et politicien. Foretier mourra en 1815, mais par son testament il tentera d'éviter le fractionnement de ses propriétés, notamment la seigneurie de l'Île Bizard et l'arrière-fief Closse dans le faubourg Saint-Laurent. En plus, il exclura son gendre Viger de toute participation à la gestion de la succession et aux revenus qu'elle générera. N'acceptant pas les restrictions que leur impose le testament et contestant le droit de Foretier de disposer des biens de sa femme, ses héritiers entameront des poursuites judiciaires qui traîneront pendant plus de 25 ans. La succession ne sera réglée qu'en 1842. |