Troisième génération d'une famille qui avait assisté à la fondation de Ville-Marie, Paul Tessier dit Lavigne débute, en 1725, sa carrière comme maçon. Cinq ans auparavant, à l'âge de 18 ans, il entamait son apprentissage de trois ans avec le maître maçon Jean-Baptiste Deguire dit Larose (dont le clientèle inclut le séminaire et des marchands bourgeois montréalais). S'installant à son compte dès janvier 1725, il s'engage dans la construction d'une maison de pierre pour son cousin à Longue-Pointe. Pour les ouvrages en ville, il commence avec des chantiers plus modestes : un four et sa cheminée et des fondations d'une maison au printemps 1726. En mai de la même année il s'engagera comme voyageur afin d'accumuler un peu de capital : pour 300 livres il hivernera aux pays d'en haut.
De retour en ville, en novembre 1727 il achètera un lot vacant à côté de la maison familiale sur la rue Saint-Jacques en face de la place d'Armes. Durant son célibat, il demeurera vraisemblablement chez ses parents. Mais le 19 avril 1728, il se mariera avec Jeanne Lefebvre, la jeune veuve de Jean-Baptiste Décarie. Quatre jours après son mariage il louera une chambre dans la maison de Joseph Istre, chirurgien de la rue Notre-Dame. Sa femme amènera une fille dans le nouveau ménage et six enfants naîtront de cette nouvelle union, dont trois filles survivront.
À partir de 1728, Paul Tessier entreprendra des travaux de maçonnerie pour des maisons de pierre. Il acquerra rapidement une excellente réputation de maître maçon et tailleur de pierre. Après avoir bâti quelques maisons pour des artisans, il gagnera des clients chez les grands marchands de la ville. Parmi ceux-ci, il faut nommer le négociant François Soumande dit Delorme pour lequel Tessier construira une élégante maison de pierre à deux étages, avec des caves voûtées de brique, sur la rue Capitale en 1735. Cas presque unique, un dessin du plan et de la façade de cette maison du XVIIIe siècle a été conservé. D'autres contrats importants suivront, dont en 1749, celui de la construction des Magasins du roi, dans le quartier militaire (site actuel de l'ensemble Faubourg Québec). En pierre, à deux étages et demi, avec deux caves voûtées et mesurant 120 par 40 pieds français, le bâtiment sera le plus grand immeuble civil construit à Montréal pendant le Régime français. Le chantier nécessitera l'engagement d'un main-d'œuvre incluant des maçons, des journaliers et des charretiers. Tessier aura alors 48 ans.
L'incendie de 1754 permettra à Tessier de travailler sur un autre immeuble de prestige : le château Ramezay. Dès septembre 1754 il sera engagé par la Compagnie des Indes pour reconstruire et agrandir le bâtiment, mais il ne réussira pas à respecter l'échéance de livraison de la maçonnerie pour juillet 1755. Afin de renforcer le pouvoir du marché de construction, les parties passeront devant le notaire en août. Au mois de mars suivant Tessier engagera dix maçons qui l'aideront au parachèvement du chantier. Malgré ce contretemps, Tessier aura connu un certain succès comme en témoignera l'inventaire de la communauté des biens entre lui et Jeanne Lefebvre, décédée en 1760. Mais la débâcle s'ensuivra. Il perdra plus 18 000 livres en papier monnaie que la France ne remboursera jamais et, en 1768, sa maison de bois sur la rue Saint-Jacques sera incendiée. De plus, à la demande de son créancier John Porteous, le reste de ses biens sera saisi et vendu. Démuni et âgé, il quittera Montréal et passera la fin de ses jours chez son cousin à Longue-Pointe. |