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D'une sobriété résolument moderne — le bâtiment est tout entier tourné vers l'intérieur et entouré sans façons par d'autres —, la gare Centrale, pour être appréciée à sa juste valeur, doit être revisitée à travers ses ramifications et jusqu'à ses origines.

LA GARE CENTRALE
ET SON
COMPLEXE MODERNE
     
 
 
 
 

Au début du XXe siècle, le Canadien Nord (Canadian Northern) crée un réseau ferroviaire transcanadien concurrent de celui du CP, pour lequel il lui faut disposer d'une entrée au centre de Montréal. Ces accès lui sont toutefois bloqués. Mais en 1911, coup de théâtre : la compagnie annonce le percement d'un tunnel de cinq kilomètres sous le mont Royal. Elle prévoit aussi construire un long viaduc dans le sud-ouest de la ville, avec voies se prolongeant en tranchée jusque dans la ville haute et, au point de jonction des voies du tunnel et du viaduc (au-dessus de la tranchée, donc), ajout d'une gare qu'accompagnera un énorme complexe d'édifices à bureaux.

Le tunnel est ouvert en 1916, mais à cause de difficultés financières, seule une gare temporaire est construite, tandis que le reste du projet est laissé en plan. En 1918, l'État prend possession du Canadien Nord, et en 1923, du Grand Tronc. Le Canadien National (CN) ainsi créé décide alors de prendre le relais du projet du Canadien Nord, et même, d'en augmenter la taille. Une énorme excavation est faite, mais la crise économique déclenchée en 1929 repousse les projets immobiliers. Le viaduc d'accès est néanmoins complété, ainsi qu'une nouvelle gare (de 1938 à 1943), qui surplombe les rails. Voitures et camions y disposent de rampes d'accès distinctes, une approche résolument moderniste. À l'intérieur, les passagers rejoignent les quinze voies par des escaliers mobiles qui ponctuent la salle des pas perdus.

Si d'autres gares, en Amérique, sont desservies par un tunnel ou par un viaduc, la gare Centrale est la seule qui combine ces deux types d'accès et une organisation fonctionnelle conséquente. Cette dernière-née des grands terminus métropolitains d'Amérique du Nord est aussi la seule à être de facture moderne. Notons au passage qu'elle fonctionne toujours, à l'échelle régionale et nationale.

 

Peu à peu, des édifices à bureaux sont construits autour de la gare Centrale. En 1956, le CN accepte un nouveau plan d'ensemble, dont le premier élément d'importance est un hôtel de 1200 chambres, le Reine-Elizabeth, mis en chantier en 1957 et complété l'année suivante. Ses architectes, qui appartiennent eux-mêmes au personnel du CN, lui donneront une facture très sobre : l'accent est mis sur la fonctionnalité, le confort et la décoration intérieure. Ainsi, on le climatise — une première pour un hôtel canadien.

Partie intégrante du concept, un lien intérieur mène directement de l'hôtel à la salle des pas perdus de la gare Centrale. C'est là le premier fragment du réseau piétonnier souterrain de Montréal. Les autres bâtiments avoisinant l'hôtel, et qui entourent progressivement la gare tel que prévu en 1911, sont eux aussi de facture sobre, voire minimaliste : siège social du CN, siège de l'Organisation de l'Aviation civile internationale, stationnement étagé desservant le complexe.

 
 
 

 

 

UN SOMMET DU MODERNISME

Toutefois, deux grands vides restent à combler au-dessus des tranchées ferroviaires : au nord du boulevard Dorchester créé en 1944 (aujourd'hui René-Lévesque), et à l'extrémité opposée, au sud. Du côté nord, on construira la Place Ville-Marie, autour d'une nouvelle place publique surélevée. Du côté sud, la Place Bonaventure, construite en 1966-1967, enjambera le viaduc. Dans ce dernier cas, c'est à l'intérieur qu'une « place » urbaine se cache. Vaste cube recouvert de panneaux de béton bouchardé, l'édifice renferme des galeries marchandes, de grandes salles d'exposition, des salles de montre, des bureaux et, au sommet, un hôtel de 450 chambres — le tout relié au réseau piétonnier souterrain (Place Ville-Marie, gare Centrale, métro...) et placé au-dessus de rails dont le trafic n'a jamais été interrompu par le chantier. On ne saurait trouver en Amérique plus pur exemple d'une architecture urbaine fonctionnaliste indissociable des réseaux de transport.

   
   
 
 
LE SECTEUR DES GARES
LA GARE WINDSOR ET SES
ALENTOURS VICTORIENS
LA GARE CENTRALE ET
SON COMPLEXE MODERNE
LA PLACE VILLE-MARIE
LE CŒUR DU RÉSEAU
PIÉTONNIER SOUTERRAIN
DEUX GARES DU CENTRE ANCIEN
LE PONT VICTORIA
     
 
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Février 2003