Au milieu du XIXe siècle, l'emplacement
de Montréal aurait perdu de sa valeur s'il n'avait
été doté d'un lien ferroviaire
permanent, hiver comme été, avec la côte
atlantique. Le Grand Tronc, une compagnie britannique
formée avec le support du gouvernement du Canada
afin de relier les Grands Lacs à l'Atlantique,
va réaliser l'exploit d'y faire bâtir un
premier pont, ferroviaire, sur le fleuve Saint-Laurent.
Construit de 1854 à 1859 et
inauguré par le prince de Galles en 1860, le
pont Victoria est la clé de voûte du « plus
long chemin de fer au monde appartenant à une
seule compagnie », comme se le font vanter
les actionnaires du temps (les autres réseaux
sont constitués de petits tronçons autonomes).
Long de trois kilomètres, ce pont comprend 24
piles brise-glace : on craint avec raison les dégâts
des glaces, lesquelles ralentiront d'ailleurs les premières
années du chantier. Le tablier est un long tube
métallique structural fait de pièces préfabriquées
(en Angleterre), dont on doit la conception à
l'ingénieur anglais Robert Stephenson, fils du
créateur de la célèbre locomotive
Rocket.
En 1897-1898, le tube de métal
de 1860 est remplacé par des structures d'acier
en treillis, courantes en cette fin de siècle.
Afin de minimiser la durée d'interruption du
trafic, le treillis est assemblé autour du tube
dans lequel continuent de passer les trains. Le tube
sera ensuite démoli.
Les piles de pierre de 1860, peu modifiées
en 1897, témoignent encore de la prouesse d'ingénierie
initiale. Pièce maîtresse historique et
toujours utilisée du système ferroviaire
canadien, voire nord-américain, le pont Victoria
demeure une composante majeure de la plaque tournante
montréalaise.
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